Jean-Michel Woulkoff est architecte. Il est le dirigeant d’Atelier Chemin Neuf, une agence d’architecture établie à Lyon. Elle est reconnue pour ses réalisations dans divers domaines comme le logement, l’enseignement et l’industriel. L’homme de l’art est aussi, depuis 2020, le président de l'Union des Architectes (UNSFA). Aujourd’hui le praticien aguerri répond à nos interrogations.
Propos recueillis par Sipane Hoh
Jean-Michel Woulkoff
Que pouvez-vous dire de votre bilan durant les deux dernières années au sein de l’UNSFA ?
Ce sont deux années post-covid qui ont permis, d’une part de renouer le dialogue avec l’ensemble de nos partenaires et les organisations professionnelles, et d’autre part de participer activement à différentes commissions gouvernementales et interprofessionnelles. L’UNSFA a fait entendre la voix des architectes avec un objectif : servir notre profession, l’architecture et l’intérêt général.
L’UNSFA a ainsi été force de propositions auprès des décideurs publics afin de répondre aux défis contemporains. Notamment le logement et les nouvelles attentes de nos concitoyens en matière d’habitat, la transition écologique, la densification, les espaces résilients, la RE2020, la décarbonation et la rénovation énergétique et globale. Nous défendons depuis plus de 10 ans une démarche globale et holistique de la rénovation : elle ne doit pas être qu’énergétique et les architectes sont formés pour cela.
Quelles sont les perspectives de l’UNSFA pour la prochaine mandature, en particulier la formation, les jeunes architectes et la crise du logement ?
Les perspectives de l’UNSFA, c'est de permettre aux architectes, présents sur l’ensemble du territoire, de s’engager dans l’action collective et de pouvoir représenter la diversité des profils, des générations et des pratiques. C’est ce qui déterminera notre capacité à faire entendre la voix des architectes. Nous sommes une fédération de 45 organisations départementales et territoriales qui constituent la richesse et la force de l’UNSFA, et nous avons à cœur de renforcer notre maillage territorial.
Sur la formation, l’UNSFA participe aux travaux conduits par le ministère de la Culture et de l'Enseignement supérieur pour une refonte de la formation continue HMONP (habilitation à la maîtrise d'œuvre en son nom propre). A ce titre, nous proposons de réformer la HMONP en vrai temps de professionnalisation et de monter en compétence des jeunes diplômés, afin de pallier aux manques actuels du DEA. Notre proposition consiste à substituer la HMONP par un contrat d’apprentissage de 2 ans.
Face à l’ampleur de la crise du logement, qui est à la fois économique, sociale et environnementale, et aux espoirs déçus suscités par les conclusions du CNR logement, l’UNSFA se mobilise au niveau national et local, aux côtés des acteurs du logement, pour alerter les pouvoirs publics.
Et comment faire entendre votre voix ?
Au niveau national comme local, l’UNSFA a multiplié les rencontres avec les instances gouvernementales et les parlementaires pour alerter sur la gravité de cette crise du logement . Celle-ci va affecter durablement tous les acteurs de la filière logement, mais aussi les Français, pour qui le parcours résidentiel est totalement grippé. Beaucoup rencontrent de grandes difficultés à se loger ou à accéder à la propriété, en particulier les jeunes et les plus vulnérables.
Pour se faire entendre, un collectif s’est d’ailleurs constitué au niveau national, composé de la FFB, du Pôle Habitat FFB, de la FPI, de la FNAIM, de l’UNIS, de Procivis et de l’UNSFA.
Que pouvez-vous dire sur le Congrès d’Avignon qui aura lieu en octobre prochain ?
Il y a deux aspects dans le congrès d'Avignon. Il s'agit d’abord du seul congrès des professionnels d'architectes. C'est donc chaque année un évènement majeur. Il tourne dans toute la France, il était au Havre l'année dernière et il sera à Avignon cette année. L'autre aspect, est qu’il s’agit cette année d’un congrès d'élection. Personnellement, mon mandat s’achève à la fin de l'année. Le congrès sera ainsi l'occasion de porter une nouvelle direction à la tête de l'UNSFA. Ce sera un évènement important pour l'ensemble des adhérents. ll y aura une nouvelle ligne politique qui sera en cohérence avec les actions précédemment menées par l’UNSFA. C'est la Vice-présidente actuelle, Laure-Anne Geoffroy Duprez, qui portera une liste lors de cette élection. Elle se présente avec une équipe rajeunie et changée pour deux tiers, avec une ligne politique dont les problématiques sont par exemples : comment construire différemment, comment construire en décarbonant ou comment faire pour inciter les jeunes à intégrer les filières de l'architecture.
Pouvez-vous nous parler de votre vision personnelle par rapport à votre travail d’architecte, et le parallèle entre vos missions au sein de votre agence et vos missions au sein de l’UNSFA ?
C'est une préoccupation qui est différente, le point commun c'est la réglementation. Le positionnement aujourd'hui gouvernemental sur le « tout rénover » ne doit pas être exclusif dans le domaine de la construction. Sur la partie professionnelle, on ne fait pas que de la rénovation, on fait aussi de la construction, que ce soit du logement, des locaux professionnels ou des équipements. La complexification de la réglementation mais aussi l'empilage des strates décisionnelles font que les projets deviennent de plus en plus difficiles à concrétiser. C’est un empilage normatif, un empilage règlementaire et un empilage décisionnel.
Le fait d’avoir une agence d'architecture vous a-t-il aidé pour aborder certaines problématiques ?
Oui, bien sûr. Si on n'est pas un professionnel de l'architecture, on ne peut pas diriger une organisation professionnelle d'architectes. Au risque de devenir hors sol et méconnaître les vraies problématiques. C’est à partir de la connaissance du terrain, tant local que national, que l’on peut se forger un positionnement, des convictions et des valeurs pour défendre au mieux notre métier d’architecte.